Star Wars VIII : Les Derniers Jedi
Un mois après la sortie de Star Wars Episode VIII, revenons à froid sur le film qui a réussi à diviser les fans et qui n’a laissé personne indifférent. Tout de suite après sa sortie, le film s’est trouvé au cœur d’une polémique alimentée par des fans mécontents de la tournure des événements. Certains allant même jusqu’à signer une pétition en ligne pour que l’épisode 8 ne fasse plus partie de la saga (avec environ 80 000 signatures à l’heure de l’écriture de ces lignes). C’est dire le drame qui s’est joué sur les réseaux sociaux durant la période des fêtes. Pour ces « fans », le film réalisé par Rian Johnson ne respecte ni la saga ni les personnages créés par George Lucas. Essayons alors de comprendre pourquoi le film essuie autant de critiques tout en y répondant.
Tout d’abord, Les Derniers Jedi est une sorte d’antithèse parfaite à l’Episode VII de J.J Abrams, bien trop lisse et prévisible. Star Wars VIII est une course contre la montre constante, une fuite en avant de la Rébellion poursuivie par le Nouvel Ordre. Le rythme effréné et le nombre hallucinant d’informations mis à l’écran peuvent perdre le spectateur à certains moments. Mais c’est aussi une jouissance de voir un scénario fourni, inventif et non calqué sur l’Episode V, ce qui est reproché par les fans. Bien sûr, dans Les Derniers Jedi, la Résistance se trouve au bord du précipice comme l’Alliance Rebelle, mais n’est-ce pas un passage obligé de la saga ? Après la destruction de la base Starkiller dans l’Episode 7, la Résistance s’attend normalement à subir la vengeance du Nouvel Ordre. Le problème de similitude est aussi perçu entre l’entraînement de Rey par Luke et celui de Luke par Yoda, seulement, la ressemblance s’arrête là. Est-ce que Luke a vraiment entraîné Rey au maniement du sabre et du contrôle de la Force ? De plus, n’est-ce pas la suite logique après l’aventure de Rey dans Le Réveil de la Force ? On peut remarquer par ces arguments que les problèmes de continuité dans la saga ne viennent pas de l’Episode VIII en lui-même mais sont surtout un retour de bâton dû à l’épisode VII, resucée d’Un Nouvel Espoir et basé sur le fan service. A contrario, le fan service dans le dernier opus est minime et subtilement dosé.
Mais le plus gros parjure pour les fans a été le traitement général des personnages et de la saga. Le film prend des risques, énormément de risques. Il opère pendant 2h30 une déstructuration totale du mythe qui ne devient plus qu’une histoire à échelle humaine et familiale. Star Wars n’est alors plus qu’une tragédie grecque : on connait le sort des personnages, le but est de savoir comment et pourquoi la famille va exploser et s’entre-tuer. Le mythe du héros, donc celui de Luke Skywalker, est également mis à mal : vulnérable, désespéré, empli d’interrogations. Voir la désillusion de ces anciens héros, idéalisés au fil des années, fait mal. Mais n’est-ce pas une évolution logique ? Le rite de passage entre les anciens et les nouveaux et l’idée de tuer le père sont des concepts centraux dans le film mais également dans toute la saga (la relation Jedi/Padawan, le disciple Sith doit tuer son maître, mais aussi et surtout la relation Dark Vador/Luke). Une nouvelle génération est nécessaire pour la survie d’une histoire aussi longue : Kylo Ren est enfin le méchant tant attendu ; Adam Driver, toujours au bord de la rupture, est impressionnant de charisme. Tout comme Rey (Daisy Ridley), qui par les nombreux twists la concernant montre une nouvelle fois la prise de risque énorme du réalisateur.
Cette prise de risque doit et a toujours été présente dans Star Wars, sinon comment le nom aurait-il survécu à 9 films canon, 1 nouvelle trilogie et 2 spin-off ? N’est-elle pas au fondement même de l’épisode IV ? En 1977, personne n’avait misé sur cette histoire de chevaliers de l’espace munis de sabres laser ? Chaque épisode a essayé de créer quelque chose de nouveau, plus compliqué à trouver dans le Réveil de la Force. L’épisode I, tant décrié, a réussi à mettre en selle une nouvelle trilogie qui a tenu (presque) toutes ses promesses et au fil des années a réussi à rentrer dans les mœurs. Ce lynchage reflète une dernière chose : un film, surtout de cette ampleur, appartient-il au réalisateur, ou à sa communauté ? Cette communauté de fans devrait plutôt louer les efforts opérés pour le film, comprendre et accepter pourquoi le changement est obligatoire pour la survie d’une telle saga. Les Derniers Jedi sera alors dans quelques années (tout comme l’Episode I et VI en leurs temps) aimé à sa juste valeur : celle d’un film grand, mature, réussissant à déconstruire le mythe tout en en recréant un nouveau.