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Une (im)possible démocratie en Afrique de l'Est ?

Dans le cadre de notre projet Objectif Calais, retour sur les causes d'un immobilisme politique




L’entretien avec Oxnso a mis en évidence une des causes principales de la fuite des individus d’Afrique de l’Est vers les pays européens : l’absence de démocratie. La région compte onze pays : le Burundi, la Somalie, le Soudan du Sud, le Soudan du Nord, Djibouti, l’Ethiopie, l’Erythrée, le Kenya, l’Ouganda, le Rwanda et la Tanzanie. Cette région d’Afrique fait face à une instabilité plurifactorielle qui entrave la mise en place d’une réelle transition démocratique. Dictature, groupes islamistes, guerres et corruption sont les causes de ce qu’Oxnso qualifie de « prison ouverte ». Retour sur les entraves à la transition démocratique, espérée par les populations depuis la fin des colonies dans les années 1960.


Le développement ou plutôt son absence est un facteur de déstabilisation. Cinq pays d’Afrique de l’Est sont comptés parmi les plus pauvres de la planète d’après le classement Forbes de 2015. La famine est une des causes principales de la mortalité dans la région. L’Afrique est aussi un continent en transition démographique, suite au recul de la mortalité infantile. Ainsi, la population est menée à augmenter tout au long du XXIe siècle, ce qui requiert le développement de politiques de gestion. La préoccupation démocratique ne semble donc pas pouvoir s’imposer face l’impératif du développement. Les membres de la communauté de l’Afrique de l’Est (CAE), composée de six pays, font tous un effort important pour le développement de la région, notamment économique, mais l’absence de politiques démocratisantes persiste. Alors que certains parlent de cette communauté comme précurseur d’un fédéralisme, il est difficile de le considérer face à l’autoritarisme ancré dans la région.


La pratique du pouvoir est un frein majeur aux libertés et à la souveraineté populaire. Si elle est propre à chaque pays de la région, une homogénéité peut s’observer dans le mode de gouvernance. L’Erythrée, dirigée par le dictateur Issaias Afeworki, au pouvoir depuis 1993, est 134e sur 147 pays d’après l’indice de démocratie. La corruption en Somalie, premier des pays corrompus au monde, rend la démocratie tout aussi difficile. Un mandat de député coûte plusieurs centaines de milliers de dollars, impossible alors pour la voix du peuple de se faire entendre. Le Sud Soudan, en guerre civile, fait aussi face à une forte corruption. Ces hommes forts au pouvoir reproduisent le même schéma dans l’ensemble de la région, cherchant à se maintenir à la tête des Etats et à s’enrichir. Cette approche de la gouvernance peut être considérée comme endogène aux structures des Etats, même ceux en meilleure santé. Si une cité-Etat comme Djibouti apparait économiquement développée, grâce à l’apport financier des sept pays qui occupent des territoires pour l’exploitation militaire, le président Ismaël Omar Guelleh n’en a pas moins verrouillé la vie politique, en place depuis 1999, avec une opposition inexistante. En Afrique de l’Est, toute forme de développement a son M. Hyde. Le Somaliland, territoire non reconnu par la communauté internationale de 4 millions d’habitants, démontre qu’il semble impossible de concilier démocratie libérale, développement, et sécurité. Il est le seul pays démocratique de cette région (ayant connu trois élections dans un respect des procédures démocratiques depuis 2001) mais les femmes sont toujours aussi peu représentées dans la société et la mutilation génitale demeure pratique courante. Cette alliance entre traditions tribales et répression religieuse influencée par le Sunnisme des pays du Golfe montre à quel point la démocratie dans les urnes ne parvient pas s’imposer dans les mœurs. Le pouvoir d’Afrique de l’Est repose alors sur un équilibre entre dictature, traditions et intérêt personnel de l’élite, ne se limitant pas aux fonctionnaires.


Ces intérêts se retrouvent en interaction avec les actions mafieuses et djihadistes dans la région. Le groupe islamique somalien Al-Shebeb, relié à Al-Qaida, est un réel contre pouvoir politique. Le groupe est l’auteur de la majorité des attentats réalisés sur le territoire depuis dix ans. Les élections, prévues pour septembre 2016, avaient dû être reportées en décembre suite à l’insécurité produite par les terroristes. Ils empêchent la transition démocratique et déstabilisent les institutions déjà caduques. Le groupe pratique aussi la corruption et la demande de rançons et bénéfices sur les commerces. Dans d’autres pays de la région, ce sont les groupes mafieux qui fonctionnent selon ce même mode opératoire. Les institutions stables, condition nécessaire à la gouvernance nationale populaire, ne savent exister dans une région où des formes de pouvoirs transversales sont plus fortes que les Etats eux-mêmes.


Les guerres civiles au sein des pays sont aussi centrales dans la compréhension de l’instabilité politique. Le Soudan unifié à connu la guerre de 1983 à 2005, menant à la session des deux Etats actuels. Le Soudan du Sud connait désormais une guerre civile politique et ethnique depuis quatre ans. Les découpages postcoloniaux regroupent des ethnies diversifiées et des aspirations d’indépendance pour plusieurs groupuscules. Ainsi, une interdépendance régionale se créé entre tous ces Etats. Les guerres et dictatures entrainent des migrations entre ces Etats, des velléités s’opposent et c’est comme si, dans une région troublée, les frontières dessinées par la conférence de Berlin n’existaient plus, comme si l’impossible démocratie n’avait pas de frontière dans une région qui suffoque.


Le « modèle » du voisin Rwandais ne parvient pas à satisfaire les aspirations démocratiques. Le pays de Kagamé représente un exemple pour la CAE au vu de son développement. Mais le pays connait des libertés de vitrines plus que de fait. Les disparités sociales demeurent et pourtant c’est vers ce modèle que veulent tendre les dirigeants actuels. Un pouvoir de poigne, un développement économique certain et une relative réduction des inégalités. Les aspirations des populations qui souhaitaient un changement se sont transformées en résignation et à « à quoi bon ?! », elles ont répondu « partons ».




Pour éclaircir ce qui ne l’est pas


La CAE


La communauté d’Afrique de l’Est est composée de 6 pays de la région : le Burundi, le Kenya, l'Ouganda, le Rwanda, le Soudan du Sud et la Tanzanie.


Elle est fondée en 1967 avant d’être dissoute en 1977. Elle est recréée en 2000.


Depuis 2008, des accords signés ont élargi leur marché de libre échange avec l’Afrique australe, faisant d’elle un pilier de l’économie africaine.


Elle est actuellement dirigée par le président du Burundi, Pierre Nkurunziza.




  • Soudan et guerres civiles


Le Soudan, alors unifié, a connu une première guerre civile entre 1955 et 1972. Elle divisait les parties nord et sud du pays, ayant des velléités d’autonomie.


Des accords ont été signés mais une deuxième guerre civile est survenue de 1983 à 2005. La guerre opposait le gouvernement central aux séparatistes du Sud (Mouvement populaire de libération du Soudan). La guerre aurait fait deux millions de morts. Un accord de paix est signé en 2005, menant à la séparation du pays en deux en 2011 : le Soudan du Nord et le Soudan du Sud sont à présent deux Etats distincts.


Depuis 2013, une guerre civile a lieu au Soudan du Sud. Initialement politique, opposant les partisans du président à ceux du vice-président, elle s’est transformée en faisant remonter à la surface des différends au sein du Mouvement populaire de libération du Soudan. Ces rivalités ont aussi une dimension ethnique : les Dinkas (ethnie du président) s’opposent au Nuers (ethnie du vice-président).




  • Somalie et terrorisme


Le groupe islamiste Al-Shabab (les jeunes en arabe) est né suite à la fusion de plusieurs groupes islamistes du pays en 2000. Ils sont chassés de la capitale (Mogadiscio) depuis 2007 mais continuent de contrôler de vastes zones dans les campagnes, notamment dans le Sud.


Le groupe serait composé de 7000 à 9000 hommes.


La principale source de revenus du groupe est la dîme, qu’il récolte dans les zones qu’il contrôle ainsi que par le biais de systèmes mafieux et de corruption qu’ils ont imposés dans les villes.



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