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Les rattrapages des bacs 2017 (1/3)


Nous sommes à la mi-février 2018, cela fait plus de deux semaines que l'on ne peut plus souhaiter la bonne année et lui, il ose quand même sortir son top 2017. Quel julot. Et je vous réponds qu'il n'est jamais trop tard pour écouter du bon son.


A mon humble avis, 2017 a été marqué par le sceau du hip-hop réclamant de plus en plus l'hégémonie mainstream et l'acceptation globale. Pourtant, ici point de Damn. pour Kendrick Lamar, de Flip pour Lomepal et encore moins d'Ipséité pour Damso. Ce top 2017 n'est en fait qu'un melting-pot de chaudes, très chaudes recommandations, vaguement classées selon des critères presque uniquement personnels. Si vous souhaitez piocher dans un top pertinent selon le contexte musical actuel et construit avec un regard un minimum exhaustif sur les sorties, jetez-vous sur ceux de Pitchfork, Theneedledrop, The Quietus ou que sais-je, cela dépend de votre sensibilité. Me concernant, je ne souhaite que partager les projets qui m'auront le plus fait chanter, danser et surtout voyager toute l'année. Je n'ai donc aucune crédibilité, cela serait simplement un grand plaisir et une victoire en soi pour moi si l'un d'entre vous tombait amoureux de l’un de ces albums, tout comme moi. À tous ceux ne se retrouvant pas dans la sélection qui ressort de l'opinion globale et des médias, oui, de nos jours, de la musique de qualité sort quotidiennement, et ce dans quasiment tous les genres musicaux possibles et imaginables (merci à la démocratisation des moyens de production et de diffusion, merci à Soundcloud, YouTube et, plus particulièrement, merci Bandcamp). Si ce top devait avoir un propos, ce serait celui-ci. En attendant, j'espère que les découvertes que vous y ferez vous donneront peut-être du baume au cœur.



Quelques mentions honorables :

  • AlvvaysAntisocialites

  • Avec le soleil sortant de sa bouchePas Pire Pop, I Love You So Much

  • EARTHFOUDRE!

  • Hamza1994

  • Mega BogHappy Together

  • Klub des LoosersLe chat et autres histoires

  • La TèneTardive/Issime

  • Saagara2

  • Thundercat Drunk

  • Tyler, the CreatorFlower Boy



TOP 2017


30. Arca – Arca


Arca, cet OVNI vénézuélien, décroche sa place dans ce top. Sachez que je n'ai pas utilisé en vain ce gimmick de chroniqueur musical devenu assez nauséabond, il faut le dire, en le qualifiant d'OVNI. Arca a assurément les cordes vocales d'un alien. En plus de cet organe singulier, il a un certain talent en tant que producteur de musique électronique : en tout cas, c'est ce qu'ont cru Kanye West, Björk, Frank Ocean et bien d'autres en faisant appel à lui. Concernant ce troisième album, l’un des gros événements du mois d'avril, il s'inscrit dans la lignée de sa carrière expérimentale. Des pistes contemplatrices, des explosions très froides, des structures surprenantes appuyées par un chant espagnol cristallin, précis et torturé : tout cela crée un univers complètement à part. Un monde de planètes de verre où seuls subsistent des esthètes éthérés. Mais peut-être le verrez-vous autrement... Sa musique est très influencée par sa sexualité : je parlais tout à l'heure d'organe singulier, je vous conseille sobrement d'aller regarder le clip de Reverie pour comprendre son engagement LGBTQ+.


29. Jim Williams – Raw (OST)


Désambiguïsons : Raw est bien le titre anglophone de Grave, de Julia Ducournau, ce « film d'horreur » français sur le végétarisme qui aura déjoué les codes de notre système. Et il est fort dommageable qu’il soit une anomalie car, en plus de cela, il propose une vraie BO de caractère, chose qui se fait rare mine de rien. Jim Williams ne se borne pas à simplement embrasser l'ambiance du film, il la magnifie. Ses compositions donnent de la dimension, de l'amplitude, de la grandeur même, au malaise que peut provoquer le film. Les bonnes BO ne perdent d'ailleurs généralement pas grand-chose à être seulement écoutées et c'est son cas. En effet, elle possède une identité forte et cela grâce à une principale idée de mise en scène : l'association de clavecins et de guitares saturées. Entre d'inquiétantes comptines ambient se logent ces véritables déchaînements des enfers (littéralement, les clavecins sont ici proches du blasphématoire), dont le point culminant est incontestablement la scène du doigt. Ceux qui ont vu comprennent.


28. Justin Hurwitz, Benj Pasek & Justin Paul – La La Land (OST)


N'avons-nous pas tous fondu à la vue de la romance entre Emma Stone et Ryan Gosling, mise en scène avec brio et moult brillance par Damien Chazelle ? Les compositions jazzy au piano de Justin Hurwitz ont instantanément fait mouche. Reconnaissables entre mille, assez easy-listening pour plaire au grand nombre sans trop de difficulté, ces compos resteront longtemps dans nos mémoires de cinéphiles et d'audiophiles rassasiés. Et c'est là une performance rare. J'en ai été définitivement convaincu lorsque, en voyage à Cologne, j'ai pu entendre ce fameux thème de La La Land en opening du 33ème Night of the Proms, dans l'immense Lanxess Arena, ces concerts où un orchestre symphonique s'allie à des artistes pop (pour un cocktail pas toujours digeste, je vous l'accorde, mais là n'est pas le sujet). Quant aux parties chantées par nos deux amoureux, pour qui c'était une première et qui ont donc suivi un coaching de voix soutenu, elles sont superbes de sincérité. La maestria n'était pas requise, seul le cœur importait et il était là, dans chaque rire impromptu de la désormais couronnée aux Oscars, dans chaque faiblesse de voix de notre tombeur maladroit. Et je lui ferai l'honneur d'oublier la très mauvaise Start A Fire par John Legend, symptôme de la tendance de ce film, en tant que blockbuster, à rendre le jazz ou pop ou nostalgique, alors que le jazz est par essence voué à aller de l'avant et à expérimenter. Bisous.


27. Neil Young – Hitchhiker


Neil Percival Young est un des plus grands folkeux qui aient existé. En 50 ans de carrière et pas moins de 33 LP à ce jour (et je ne parle pas des lives, compilations etc.), il aura chanté l'Amérique sous toutes ses coutures et dans un grand nombre de styles musicaux différents (folk et country mais aussi grunge, musique électronique et d'autres encore), en déposant au passage des classiques comme After the Gold Rush, Harvest ou encore le live Weld. Ce Hitchhiker, en l'occurence, est une fausse réédition d'une vingtaine de minutes d'enregistrements d'août 1976 à Malibu. La voix cristalline du canadien et sa guitare qui lui colle à la peau nous emmènent sur des routes hors du temps. Même lorsqu'il parle de J.F. Kennedy, Marlon Brando ou Pocahontas, même lorsqu'il dit « Even Richard Nixon has got soul », il paraît si loin de cette terre. L'intimité de l'enregistrement et de sa musique-même, la folk la plus pure qui soit, glisse sur mes lèvres comme l'air entrant dans la voiture par la vitre ouverte pour former un sourire béat. Neil Young est si limpide et sensible dans son toucher (de voix comme de guitare) que j'ai encore des frissons à chaque fois que j'entends cette ligne, pourtant banale en apparence : « I think you'd better call John, 'cause it don't look like they're here to deliver... the mail. »


26. Mark Mulcahy – The Possum in the Driveway


Frontman de la formation de college rock des années 80 et 90 Miracle Legion, Mark Mulcahy revient avec un album dont il est extrêmement fier. Sur The Possum in the Driveway, Mulcahy travaille une jangle pop limite folk, fraîche malgré son âge, riche malgré son apparence plutôt classique. L'album oscille entre nombre d'ambiances. De la candeur de Catching Mice à la mélancolie de Geraldine, c'est une pop à la guitare dont les arrangements deviennent évidents à l'écoute attentive. Les cuivres et les vents transcendent les accords de guitare et chaque titre a son identité propre et forte. Ce qui fait le liant dans toute cette versatilité, c'est bien la voix de Mark Mulcahy. Contant une folk complètement actuelle, il a juste ce quelque chose d'indéfinissable, une simplicité rare, qui aura dessiné les contours de cette dernière description que je vais vous faire de l'album et qui ne vous donnera probablement pas du tout envie de l'écouter : c'est un album « délicieusement banal ».


25.amane + 曇った空 – [ 彷徨 ]


Voici l'anomalie de ce top. Une personne un minimum sérieuse vous aurait dit que l'événement ambient de l'année était le retour de Gas après 17 ans, avec le forestier, spectral et paisible Narkopop. Ou même la compilation Mono No Aware par le label PAN. Mais pas cet obscur album de vaporwave/« dreampunk », qui comptent assurément parmi les pires genres musicaux qu'on a pu inventer (sachant que le second n'existe même pas mais c'est ainsi que l'artiste se décrit). Mais ce n'est pas parce que la vaporwave répond à tous les critères irritants d'une contre-culture se voulant « woke » (éveillée), mais au fond juste plate et cynique, qu'un album de vaporwave ne peux pas être musicalement bon. Laissons tout ça de côté et nous avons un superbe album d'ambient auquel la pochette offre un très bon point de repère pour créer un univers bien particulier. J'y vois des hommes qui, dans un futur dystopique, tapent sur des ordinateurs jour et nuit. Mais il fait nuit tout le jour. Ils tentent de ne pas entendre l'infini et monstrueux cri venu de l'extérieur du bâtiment que la tôle, laminée par la pluie, filtre en une nappe lancinante. Mais cessons la rigolade.


24. Wavves – You're Welcome


Et voici les très californiens de Wavves, première incursion du rock indépendant dans ce top 2017 ! Sixième opus d'un groupe qui approche de ses dix ans, mine de rien, You're Welcome est bien loin des velléités punk qu'on pourrait leur prêter : c'est un album excessivement pop qui reprend de délicieux codes de garage rock et de surf rock. L'album réussit à réunir son pop rock spontané avec des sonorités plus tranchantes, comme les buildings sur un bord de mer qui devrait être immaculé ; des paroles candides avec des rythmes assourdissants comme le cagnard de nos étés pollués. Et puis I Love You en outro, c'est entre ce que je viens de dire et une très grande simplicité, c'est très bien choisi. C'est un album qui aurait dû me taper sur le système mais qui, écouté dans les bonnes conditions, se révèle presque expérimental (d'accord, je vais peut-être un peu trop loin là) et dont les mélodies matraquées ont habillé mon été jusque dans ses défauts.


23. A Pulse Train – Tactus Tempus (EP)


Tactus Tempus est assurément l’œuvre la moins accessible de ce top, vous êtes prévenus. A Pulse Train est un supergroupe assez unique du milieu électro qui réunit notamment Dan Snaith (plus connu sous le nom de Caribou), Sam Shepherd (alias Floating Points) ou encore Joe Goddard de Hot Chip. En juillet 2016, ils se réunissent à Londres pour enregistrer une improvisation conceptuelle basée sur un travail de Frank McCarthy en 1973. Selon une partition graphique de ce dernier, les musiciens doivent improviser le long d'une courbe de densité/intensité pour créer un « train de pulsation ». C'est tout aussi incompréhensible pour vous que pour moi, rassurez-vous. Mais je peux vous dire à quoi cela ressemble. C'est un EP composé de deux faces de 15 minutes chacune aux sonorités électroniques assez nues. Le grand nombre d'artistes se bousculant sur cette fameuse courbe de densité/intensité donne l'impression d'une cacophonie au premier abord. En revanche, si l'on se laisse happer, on y entend une non-mélodie se mouvoir en une harmonie du vivant et les sonorités numériques deviennent presque figuratives. Cet objet tout à fait singulier semble à la fois être la captation de pulsations vitales et l'enregistrement d'une rixe entre entités technologiques.


22. Father John Misty – Pure Comedy


Après avoir participé à des tas de projets dans lesquels il n'avait pas toute la reconnaissance qu'il souhaitait, Josh Tillman délivre avec Pure Comedy son troisième album solo. Ce gourou hipster moustachu qu'on aime bien détester se sert de tous ses défauts (notamment celui de faire dans la provoc' inutile quatre fois par an chez NME ou Pitchfork) pour pondre un album conceptuel, dont l'instrumentation n'est au final qu'un accessoire de banalité pour trancher avec la plume acerbe de son alter-ego Father John Misty. « Bedding Taylor Swift every night inside the Oculus Rift » sur Total Entertainment Forever. Des plâtrées de dérision parfaitement dosées de sa douce voix et ses grosses bottes politiques deviennent de fins souliers, toujours virils, jamais grossiers. Leaving LA, le chef d'oeuvre de l'album, est une logorrhée introspective de 13 minutes et il ne termine même pas la dernière phrase : du génie. Pure Comedy est l'histoire un homme très seul dans un monde très idiot, un homme sensible avec un instrument de musique, des parents et d'autres choses de ce genre, davantage qu'avec des opinions politiques. C'est beau le pouvoir d'abstraction de la musique.


21. Booba – Trône

On commence à se connaître finalement. Je vous ai déjà longuement expliqué mon amour pour Booba. Trône est un album intimiste derrière ses atours de rap commercial. Une triste introspection, la dérive d'un homme en constante remise en question, un père qui prend le pas sur tout le reste. Bref, un amour de disque bien riche et qui, malgré quelques fillers, ne faillit pas à enchaîner les bangers et les punchlines plus intelligentes qu'il n'y paraît. Mais rassurez-vous, il reste une petite perle du rap français, même si vous n'arrivez pas à passer outre vos a priori sur le Duc.






On se retrouve demain pour la suite du top !

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