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Mais à qui la faute ?


Dimanche 21 janvier 2018, dans les colonnes de Libération c’est un nouveau Zola qui accuse. Yann Moix dénonce les actes violents des forces de l’ordre vis-à-vis des migrants et l’Etat, en la personne d’Emmanuel Macron, responsable de ce « protocole de bavure ». Le ton belliqueux de la tribune résonne avec la situation à Calais en ce début d’année.


Dans les rues d’une ville, des déchets jonchent le sol, : des mégots de cigarettes encore fumants, des emballages de sandwichs déballés à la hâte, un ticket de caisse tombé par inadvertance. A Calais, c’est différent, ce sont des chaussures que l’on voit, plus que ça, des godasses.


Godasses, c’est le terme qu’emploie un bénévole de l’Association Utopia 56 resté anonyme, pour désigner les chaussures fournies aux migrants que l’on retrouve semées dans la ville. Elles sont abandonnées, non pas par choix, mais par nécessité. ; dans la hâte, pour échapper à l’arrivée des CRS, des chaussures se perdent en route.


A Calais, le mois de janvier sonne la relance des joutes entre associations, défenseurs des migrants, politiques et forces de l’ordre.


Le jeudi 25 janvier, ce sont migrants et CRS qui se sont affrontés lors d’une opération « anti-squat ». Selon les témoins, si les migrants auraient lancé la première pierre – au sens littéral du terme – ce seraient bien les forces de l’ordre qui auraient empalé le premier œil. L’IGPN est a été saisie pour « blessures avec utilisation de moyens de police » tandis que la brigade de sûreté urbaine enquête en parallèle sur les caillassages qui ont visé les CRS, légèrement blessés pour certains.


Une semaine plus tard, le 1er février, trois rixes ont lieu pendant la journée, opposant des migrants afghans et des Erythréens. Le bilan se solde par 22 blessés dont 4 grièvement. En réponse, le ministre de l’Intérieur, Gérard Collomb, a dépêché dès le lendemain deux compagnies de CRS supplémentaires, soit environ 280 hommes s’ajoutant à l’effectif de 1 150 policiers et gendarmes déjà présents dans le Calaisis. L’utilité de cette décision peut être mise en doute. Selon Sylvain de Saturne de l’Auberge des Migrants, le problème ne réside pas dans le manque de policiers et gendarmes, mais dans la mauvaise gérance de l’accueil des migrants. C’est ce point-là - la faim, le froid, la peur - qui engendre la violence.


A ce cocktail explosif déjà trop secoué, il a suffit d’un léger soubresaut pour que la situation éclate, aux yeux de tous.


Si certains accusent les forces de l’ordre et par extension les politiques, le gouvernement et le président, ceux-là même pointent du doigt les migrants et les associations.


Le 16 janvier, dans un contexte déjà sous tension, le président de la République, présent à Calais, tenait un discours dont le ton ferme a été retenu :


« Lorsque des associations encouragent ces femmes et ces hommes à rester là, à s’installer dans l’illégalité voire à passer clandestinement de l’autre côté de la frontière, elles prennent une responsabilité immense. »


Les politiques accusent les associations de former un appel d’air. Pourtant, le discours d’Emmanuel Macron s’est vu suivi d’un nouvel afflux de migrants. En effet, l’annonce de la simplification des mesures en terme de politique migratoire est voulue par l’exécutif dans le but d’éviter tout phénomène de concentration. Mal interprétée, cette annonce a été comprise de la part des migrants comme une légère ouverture vers la Grande-Bretagne. C’est près de 150 migrants qui arrivaient tous les jours. L’Etat s’est vu comme le joueur piégé à son propre jeu.


Après les manifestations de violence, le nombre de migrants a fortement décliné. Le 8 février, lors d’un point presse, le préfet du Pas-de-Calais, Fabien Sudry, annonçait qu’il y aurait environ 350 migrants dans la ville tandis que les associations tablaient plus autour de 500.


Sylvain insiste sur un point : que ce soit 350 ou 500, le nombre de migrants est objectivement bas. Il paraît énorme car il n’est pas correctement géré. C’est sur ce « champ de boue » - au sens littéral comme figuré - que s’empêtrent d’une part l’altruisme et d’autre part le pragmatisme politique. En témoigne, le sommet franco-britannique du 18 janvier qui prévoit une aide supplémentaire de 50,5 millions d’euros de la part du gouvernement britannique afin de renforcer la sécurité à la frontière. Il ne s’agit pas de fonds destinés à améliorer un meilleur accueil des migrants alors que l’on sait que les associations sont constamment à la recherche de dons pour alimenter leurs distributions de repas et maraudes.


A ce sujet, Emmanuel Macron a assuré que l’Etat prendrait rapidement en charge « l’accès à la nourriture et aux repas, qui est assuré aujourd’hui par les associations ». Ce nouveau service devrait être mis en pratique à partir du 4 mars prochain. Les associations ne savent pas encore si elles pourront toujours participer. Quelle que ce soit la réponse, si les associations n’ont pas vocation à rester pour toujours à Calais elles sont aujourd'hui indispensables. Sur le plan juridique, les migrants manquent cruellement d’accompagnement. Certains se retrouvent dans des situations inextricables : les déboutés qui ne peuvent être renvoyés dans leur pays d’origine car la situation sur place ne le permet pas, les dublinés qui refusent de retourner dans leur pays d’arrivée.


Finalement, la situation à Calais n’est pas encore réglée et il va falloir que les différents acteurs acceptent de travailler ensemble. « Nous, les associations ne sommes pas anti-étatiques mais on pousse l’Etat à prendre ses responsabilités. » précise Sylvain de Saturne.




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