15h à Jean-Baptiste Lebas
Le mois de février est froid. Très froid. Pourtant, ce mercredi, le ciel bleu est au rendez-vous et le parc Jean-Baptiste Lebas est envahi par des hordes entières de gamins hurlant et de parents profitant de leurs RTT.
Parc Jean-Baptiste Lebas, Lille Tourisme.
Installée sur l’un des bancs encastrés dans la grille rouge vif du parc, Jasmine lit un magazine littéraire en surveillant du coin de l’œil sa fille, Renée. Cet air tranquille et serein malgré l'agitation ambiante croise nos regards en quête de paroles. Ni une, ni deux, nous nous dirigeons vers elle et voilà la discussion lancée.
En face de nous se tient la gérante de l’Ecart, café convivial et un peu bobo, fréquenté massivement par les populations étudiantes alentours, de Sciences Po ou de l’ESJ pour la plupart. Jasmine, la quarantaine, apparaît comme une personne passionnée et épanouie, arborant un sourire vrai, laissant présager une discussion des plus enrichissantes.
Notre interlocutrice et son attitude tendent largement vers le positif : autrefois lectrice de Sartre, avec une thèse à la clé, les autres ne sont désormais plus son enfer. Mère célibataire cernée, elle n'a choisi ni banalité ni facilité pour rythmer sa vie, ce qu’elle nous confirme en nous expliquant que son emploi occupe une place proéminente dans sa vie privée. Pourtant, Jasmine est avenante et n’hésite pas à parler d’elle, des autres et de Twin Peaks. Cette amoureuse de Botticelli met son sens de la solidarité au service de son café avec notamment une caisse à vêtements accueillant les dons des habitués. Cette diplômée en philo entend agir à son échelle et le fait du mieux qu’elle peut. C'est cette humanité qui l'a poussée à reprendre ce bistrot de quartier. Favoriser du lien social, pousser les gens à la rencontre des uns et des autres, pour insuffler une dynamique nouvelle au quartier.
Derrière ce statut peu commun de gérante de bar se cache une personnalité très proche et en même temps si distante de ce que l’on peut trouver à chaque coin de nos rues : comme certains, elle a sauté de joie lors de l’abandon du projet d’aéroport à Notre-Dame des Landes, se réjouissant qu'on arrive à défendre une zone.. à défendre. Comme beaucoup, elle croit en l’amour. Comme nous tous, elle est horrifiée par ce que nous entendons et lisons chaque jour sur la Syrie, l’Afghanistan ou encore le Mali. Pourtant, dans un monde où chacun parle bien volontiers de soi-même, elle a décidé d'être la voix des autres, de ceux qui n'ont plus rien.
Plus tard, Jasmine sera écrivaine, c’est du moins ce qu’elle a en tête. Peut être pour narrer les aventures quotidiennes de Renée ? Une chose est sûre : elle entend réaliser ses projets, profiter de sa fille, de la vie, de l’art, de l’humain, et il ne fait aucun doute que, pour cette personne lumineuse, l’amour suffira.