Calais par-ci, Calais par-là
Calais a laissé de côté son image de ville nordique en bord de mer pour une image de bidonville. Cette ville, ignorée par beaucoup il y a quelques années, a fait la une des journaux pendant de nombreux mois. Rixes entres migrants, blocages de l'autoroute A16, violences générales et affrontements avec les forces de l'ordre ainsi qu'avec les habitants, on pourrait croire que règne un climat dangereux et qu'on aurait froid dans le dos lorsque l'on dépasse le panneau « CALAIS ». Mais Calais est-elle la ville décrite par les bruits de couloir ?
Calais n'est pas assiégée
Dans la tête de certains qui ne connaissent pas la ville, Calais est envahie par les migrants. Cependant, ce n'est pas la situation dont ils souffrent le plus mais bien de la sur-médiatisation du sujet. La situation est préoccupante au plus haut point mais elle n'est pas étendue à toute la ville, elle n'est pas générale. C'est ce que deux lycéens nous ont confié : « On n'en croise pas tant que ça ! ». Les jeunes sortent le samedi soir, comme avant. Nous avons rencontré Léna Pasqualini, Secrétaire générale du Channel, un lieu culturel à Calais. Outrée par la situation, elle insiste sur sa colère face à son traitement médiatique. La ville entière a été réduite à quelques altercations violentes qui ne sont pas représentatives. Que sont une dizaine de migrants concernés parmi des centaines aujourd'hui et des milliers hier ? Résumer Calais à ces évènements, c'est mettre le voile sur la situation politique des migrants et leur condition déplorable, et oublier 75 000 habitants. « Même les articles pas trop mauvais font du sujet des migrants quelque chose d’omniprésent alors que le sujet n’intéresse même pas les Calaisiens » se désole Léna Pasqualini. Il n'est pas étonnant que les touristes anglais aient déserté les rues de Calais après les publications de The Sun, tabloïd le plus lu en Angleterre, qui titrait le 30 juillet 2015 : « L'anarchie à Calais est une plaie purulente à la face de l'Europe », ou encore le titre du Daily Mail « Calais : envoyez l'armée ».
Une crainte des migrants s'est vue s'intensifier
On peut en effet trouver dommage que certains sujets, comme le collectif « Les Calaisiens en colère », les histoires à buzz comme celle du Calaisien qui avait pointé son arme sur les migrants ou les récentes rixes entre migrants, aient été davantage traités par le paysage médiatique par rapport aux diverses initiatives comme celles des associations ou du Channel qui organise de nombreux ateliers pour favoriser l'intégration des migrants dans la vie de Calais.
Suite à cette médiatisation désastreuse, l'idée que les migrants sont des agresseurs s'est développée. On peut noter en effet une influence de l'extrême-droite au cours de ces derniers mois qui n'a pas arrangée les choses. Cette peur de l'étranger s'est fait ressentir fortement lors des élections régionales de 2015 (49% des suffrages calaisiens en faveur du Front National) mais aussi lors de la présidentielle de 2017 avec 57% pour Marine Le Pen au second tour. En effet, la situation de la jungle de Calais a permis aux partis d'extrême-droite de servir leurs causes, aux dépends des migrants.
L'image de la ville et le tourisme doivent assumer les conséquences
À cause de l'intense et frontale médiatisation britannique au sujet des migrants, les touristes anglais ont boudé la Côte d'Opale. Le centre-ville, la plage et le front de mer sont totalement oubliées pour ne garder qu'en tête les querelles entre routiers et migrants, ou encore migrants et forces de l'ordre. « L'image que traîne Calais est une image lourde, et elle est difficile à contrer » déplore l'Office de tourisme de Calais. Rappelons alors que Calais a un certain potentiel culturel : face à l'Angleterre, à deux pas de la Belgique et à 30 minutes en TGV de Lille. Du musée des beaux-arts à la Cité de la Dentelle et de la Modeau Channel en passant par le local « Maison Pour Tous », cette ville regorge d'activités tout aussi intéressantes qu'ailleurs.